Vers la poésie
Quelqu’un écrirait le texte de ce que nous croyions entendre, mettant bout à bout les éclats de voix, les sons erratiques et les bribes du savant monologue, comme il nous était impossible de tamiser les bruits il s’y mêla d’emblée l’incessant tambourinement des villes et le grondement du vent dans les caves de la montagne, il s’y mêla aussi, alourdis d’espérance, notre sang, notre souffle, la dictée était si lointaine que nous scrutions encore au soir tombant l’immense vide sonore, l’une d’entre nous plantait en terre ses doigts tendus, baguettes de sourcière, un autre se dressait ébahi, mais le texte était rare, trop rapide pour être écrit, trop lent pour être murmuré, il eût fallu à tout instant oublier le sens si prompt à s’y glisser, oublier pourquoi nous étions venus
(Le Carnet tibétain)